Derrière le mythe romantique de l’amour-qui-me-rendra-enfin-heureux se trouve pour moi une vérité toute crue : pour former un couple, je vais être invariablement attiré par une personne qui va mettre en lumière mes zones d’ombres, mes émotions refoulées et qui saura intuitivement appuyer là où ça fait mal. En d’autres mots, une personne qui va régulièrement m’activer, souvent sans même s’en apercevoir, et m’offrir une dose quotidienne d’inconfort à traverser.
Quand j’ai compris ça (jusque dans mon ventre), j’ai vécu un choc. Tout un pan de mon imaginaire, celui qui cherche désespérément à atteindre la destination du bonheur, s’est effondré. D’un seul coup, je me suis retrouvé devant cette autre prise de conscience bouleversante : la femme devant moi me reflète parfaitement les souffrances du passé qui m’habitent encore et qui ont tant besoin d’être vues, accueillies, intégrées…
À partir de cet instant, mon schéma de fuite en avant vers cette femme-idéale-avec-qui-tout-serait-enfin-facile m’est apparu en pleine lumière : un mirage aux alouettes dans les sables de mon désert. Chaque fuite en « avant » me ramène inlassablement vers les mêmes ornières, les mêmes souffrances et ce même vide existentiel impossible à combler. Ici se trouve un carrefour, un choix à faire.
À gauche, je peux me résigner à une vie de souffrances répétitives où mes jours se suivent et se ressemblent puisque chacun reste retranché (figé) sur ses positions. À droite, je peux me séparer (encore et encore) et continuer à chercher cette personne idéale, qui par sa seule présence comblera mon vide intérieur à tout jamais (me libèrera de la souffrance comme par magie).
À l’intérieur existe pour moi une troisième voie, celle de prendre l’un et l’autre la responsabilité de ce passé, de ces valises que j’apporte dans le nous. Cette posture intérieure m’invite à utiliser chaque activation comme une opportunité de mettre en lumière ce qui souffre en moi à travers le miroir que me tend l’autre (inconsciemment ou pas). Chaque conflit, chaque déclenchement émotionnel devient alors une occasion en or de me rapprocher de moi et de l’autre.
Après, il s’agit de trouver un juste équilibre. S’il y a trop d’inconfort il m’est très difficile de m’ouvrir et de faire ce travail alchimique. La peur me referme, me paralyse et me fait fuir (ou combattre!). Pour aller dans cet espace de grande vulnérabilité j’ai besoin de me sentir en sécurité, de savoir que l’autre est pleinement engagé lui aussi. Pour moi il s’agit d’un choix à faire consciemment ensemble. Cet engagement devient alors une porte ouverte sur cette voie du milieu, vers cet amour inconditionnel que nous sommes tous en Vérité.
~Jean-Philippe Ruette