Êtes-vous à la poursuite du bonheur ?

Je ne saurais dire avec précision quand je me suis élancé dans cette course folle. Je suppose que c’est en apprenant que je devais devenir quelqu’un – avoir un bon travail, une femme que j’aime, de beaux enfants – pour accéder enfin au bonheur. Peu importe où je posais mon regard, cette injonction – FAIT ce qu’il faut pour être heureux ! – était partout.

En grandissant, j’ai commencé à classer tout ce que j’aimais dans une catégorie et tout ce que je n’aimais pas une autre. Avec tout le poids de ma volonté, je me suis alors employé à développer toutes une panoplie de stratégies pour obtenir toujours plus (contrôle) de ce que j’aimais en évitant le plus possible d’être en contact avec ce que je n’aimais pas.

Hélas, malgré tous mes efforts, ce bonheur est toujours resté bien éphémère et surtout conditionnel aux événements extérieurs qui m’arrivaient. Un bonheur parfait pouvait être gâché en un instant par certaines contrariétés répétitives qu’il m’était impossible d’éradiquer de ma vie. Mais enfin, qu’est-ce qui m’échappait ?!

Quand la souffrance devenait trop vive, que je perdais littéralement le contrôle des événements, il y avait toujours les drogues, l’alcool et toutes les autres distractions (porno, jeux vidéos, séries télé, travail, …) pour adoucir mon malaise et me plonger dans une routine sécurisante. Évidemment il me fallait toujours plus de nouveauté, toujours augmenter les doses pour ne plus ressentir… Ne plus ressentir quoi justement ?

Épuisé, malheureux, pris au piège, je me suis alors tourné vers ce qui était douloureux, qui prenait toute la place et j’ai pris la peine de m’écouter, de ressentir intensément cet inconfort intérieur qui m’habitait dès que j’arrêtais de contrôler et d’engourdir… Il m’était extrêmement difficile de ne rien faire, de ne pas penser ne serait-ce que quelques instants !

Avec de la patience et de la persévérance, j’ai découvert que cet inconfort avait bien des visages, peur, colère, tristesse pour ne nommer que ceux-là. Que d’énergie immobilisée, contenue, réprimée ! Toutes ces facettes intérieures qui me suppliaient d’être aimées, d’être accueillies sans conditions. Je devais ressentir intensément, encore et encore, jour après jour, inlassablement. Facile à dire !

Peu à peu, en cessant de contrôler les événements extérieurs (les symptômes), en cessant d’engourdir mon inconfort (encore des symptômes), j’ai commencé à toucher du cœur la cause, à pouvoir accueillir cet enfant perdu avec sa quête impossible de devenir quelqu’un d’autre (que ce qu’il était déjà). Puis, peu à peu, une autre sorte de joie – inconnue et inconditionnelle – a fait surface en moi.

Cette joie est présente depuis toujours. Si je ne la ressens pas, c’est peut-être simplement parce que mon attention est ailleurs. Où suis-je à chaque instant ? En train de chercher à modeler ma partenaire pour qu’elle réponde à toutes mes attentes ? Perdu dans un futur idéal où je serais enfin heureux avec lui ? Existe-t-il un moyen de combler le puits sans fond de mes exigences autre que d’y plonger moi-même pour en ressentir intensément la cause ?

La réponse vient d’elle-même à tous les audacieux qui osent remonter le fil de cette grande rivière intérieure qui prend sa source dans l’Infiniment. Aurez-vous la force et la volonté de revenir en vous-même, là où tout commence ? Pouvez-vous relever le défi de vous tenir nu – jour après jour – dans le tourbillon intérieur de vos émotions refoulées pour revenir vivre au présent ?

Si oui alors vous remarquerez que l’accueil inconditionnel (la présence) est un chemin qui vous entraîne toujours plus profondément en vous-même, là où le temps n’existe plus, là où la joie est permanente, là où votre partenaire est tout simplement parfaite telle qu’elle est, que vous vivez dans l’abondance, de retour enfin dans ce paradis qui était perdu.

~Jean-Philippe Ruette