Le courage de se dire

Oser se dire, s’offrir à l’autre en toute transparence, toute honnêteté demande du courage, beaucoup de courage.

Le seul fait d’oser plonger en soi-même pour y contacter ces parts de nous que nous tenons enfouies dans l’ombre, ces besoins que nous n’osons pas exprimer, ces limites que nous n’osons pas fixer, relève déjà parfois de l’exploit ! Oser se regarder soi-même ainsi, droit dans les yeux, se dire tout haut ce qu’on ne voulait pas voir provoque en nous un mouvement, une fissure à travers laquelle l’énergie si longtemps bloquée recommence à circuler. Petit à petit la vie reprend ses droits dans ces recoins oubliés de notre être.

Puis vient ce moment où il nous faut laisser s’exprimer, émerger ce qui se meut en nous, ce qui demande à voir le jour, être entendu. En ce qui me concerne, malgré toutes ces années à cheminer ensemble, malgré cette confiance et cet engagement pris à accueillir l’autre pour tout ce qu’il est, lorsque que vient le moment de m’élancer, de faire un pas supplémentaire pour m’ouvrir encore un peu plus, je ressens presque toujours cette peur au ventre qui vient soudainement me tirailler. Peur d’être rejetée, incomprise, peur de décevoir, de causer du mal, d’être égoïste. Pendant une seconde, qui me semble interminable, je sens le doute s’immisce. Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? Est-ce que je ne pourrais simplement pas me taire, oublier ? Et c’est à ce moment-là que le courage de ma précieuse guerrière intérieure entre en jeu, car du courage il en faut pour s’ouvrir, se dire. Du courage pour honorer avec justesse et amour qui nous sommes au risque de briser le confort offert par le grisant statu quo. Du courage et du lâcher-prise également, car il est impossible de savoir ce qui nous attend une fois que nous nous serons lancés. Il y avait un avant connu, il y aura un après inconnu, et entre les deux, nul moyen de prévoir avec certitude comment l’autre va réagir lorsque nous il sera plongé au cœur de notre monde.

Parfois la traversée s’effectue sans remous, un peu comme si chacun attendait déjà inconsciemment que ce moment arrive enfin. Ce moment d’ouverture nous plonge alors tout doucement dans un niveau de connexion et de complicité encore plus grand.

Parfois la traversée prend des allures de tempête. Être capable de s’ouvrir entièrement à l’univers de l’autre, sans s’oublier ou s’y engloutir, demande tout autant de courage et de calme intérieur. Accueillir la perception de la vie de l’autre de façon inconditionnelle, sans interférer, sans juger, sans essayer de la changer peut paraître impossible. Entendre l’autre peut remuer en nous des émotions, des souvenirs que nous aurions préféré laisser dans l’ombre, ne pas ressentir à nouveau. Même si l’autre partage son expérience avec justesse, reste dans le « je », l’amour et le respect, il peut être facile de se sentir attaqué, critiqué, inadéquat, menacé. Quand je sens les vagues intérieures que la traversée lui fait vivre, je me dois de rassembler ce qui me reste de courage et de volonté afin de tenir bon, de ne pas rebrousser chemin, de ne pas m’abandonner moi-même. Difficile de poursuivre, mais je le sais, il me faut pourtant garder le cap, faire confiance, et ne pas résister à cette opportunité de grandir, de guérir qui s’offre à nous. Je me raccroche en ces instants à cet engagement que nous avons pris ensemble: s’offrir la possibilité de se libérer de tout ce qui nous entrave, nous empêche d’être pleinement nous-même, prendre la responsabilité de nos émotions et oser aller au-delà des sentiers battus ensemble. Traverser les tempêtes dans le respect de soi et de l’autre afin de vivre ensemble une connexion toujours plus profonde, intense et nourrissante et qui fait que la vie, que chaque situation potentiellement conflictuelle vaut la peine d’être vécue.

Une fois la traversée terminée, qu’elle ait été douce ou ardue, nous nous retrouvons encore une fois en terre inconnue, là où tout peut, à notre grand bonheur, être réinventé, recrée à partir de cet homme nouveau, de cette femme nouvelle, que nous avons retrouvés

~ Julie Tremblay