En tant qu’amant, mon plus grand défi est de rester présent, de m’élancer vers elle à partir de mon silence intérieur et non pas en suivant la voix-qui-parle-dans-ma-tête. Cette dernière, incapable de supporter le silence vibrant de l’instant, semble passer le plus clair de son temps à vouloir m’entraîner ailleurs, dans le « temps » justement.
Par exemple, lorsque je suis allongé près d’elle, je suis souvent assailli de pensées qui cherchent à obtenir, qui exigent, qui rêvent d’une destination, qui cherchent par tous les moyens à éviter cette rencontre d’être à être qui a lieu au cœur de l’Inconnu. Dans mon cas il s’agit de positions à essayer, de fantasmes à réaliser, d’un escalier particulier qu’il me faudrait monter pour aller jusqu’à un ciel numéroté.
À force d’en souffrir, j’ai remarqué que succomber aux injonctions de mon mental (qui veut toujours quelque chose) ne me permettait pas vraiment d’entrer en résonance avec elle, de plonger dans cet Océan Silencieux qui nous relie en dedans. C’est comme si mon mental avait un agenda caché qui n’était pas synchronisé avec les vagues de la Vie, avec cette Grande Symphonie…
Invariablement, dès que je sors de l’éternel instant (pour entrer dans le temps), je m’aperçois que ma vie devient compliquée, que mes caresses ne sont plus des offrandes, que mon corps cherche à conquérir, à consommer au lieu d’être simplement ouvert, offert à cette vibration délicieuse qui nous anime bien au-delà de nos écrans, dans nos profondeurs silencieuses.
Sortir du « vouloir quelque chose » m’est difficile. Ça me demande de sortir du contrôle, de laisser la vie m’offrir de son abondance. Pourtant je sais que le simple fait d’en avoir l’intention, est un puissant signal envoyé à l’Univers, à cette présence mystérieuse entrelacée dans chacune de nos fibres et qui chaque fois, frisonne de joie, en se regardant elle-même, à travers nos yeux enlacés.
~Jean-Philippe Ruette