Au-delà des sensations fortes

Lorsque j’ai commencé à ralentir le va-et-vient, j’ai dû me rendre à l’évidence : je ne sentais plus rien. Mes sens, à l’image de ma patience, étaient totalement émoussés par la frénésie et l’excitation qui étaient à l’époque, au cœur de ma sexualité. Sans mouvement je retombais littéralement à plat.

Désabusé, je réalisais que ma quête de sensations fortes (suralimentée par mes fantasmes) m’avait conduit dans un douloureux cul-de-sac. À ce moment-là, ma compagne avait perdu tout envie de cette sexualité à sens unique où elle était surtout un moyen pour arriver à mes fins, un personnage dans mon imaginaire-avec-des-x.

Placé devant l’évidence, l’émoussement complet de mes sens, j’ai dû entreprendre un fabuleux voyage pour redécouvrir une dimension plus subtile de mon corps, pour renouer avec cette sensibilité que j’avais sacrifiée depuis longtemps sur l’autel de la vitesse et de l’adrénaline. Quel cadeau je me suis offert !

Depuis je chemine avec elle sur les routes moins fréquentées qui se découvrent lorsque l’on choisit de quitter le TGV de la sexualité effrénée. C’est là, dans cette délicieuse immobilité que j’ai découvert avec elle de nouvelles couleurs, des nuances insoupçonnées de cet amour-rivière qui voyage à travers les amants de toute éternité.

Si vous voulez vous lancer, commencez par ralentir jusqu’à sentir à quel point vos sens sont essoufflés. Puis, sans faire un geste, acceptez la situation pour pouvoir enfin la dépasser. Ne laissez pas la tristesse où la colère vous engloutir. Continuez à respirer. Laissez votre souffle, laissez l’amour vous guider toujours plus loin vers l’intérieur, vers davantage d’abandon.

Là, vous entrerez ensemble dans cet univers fascinant – tout en couleurs – aussi vaste que toutes les galaxies, qui s’ouvre par en dedans. Là, au cœur de l’amour-rivière, vous retrouverez, émerveillés, le plaisir d’explorer, de vous relier l’un à l’autre, non pas pour arriver à quelque part, mais simplement parce que c’est délicieux, d’être enfin réunifiés.

~Jean-Philippe Ruette