Si simple… et pourtant si difficile

Que d’intimité parfois dans un baiser… Quand je l’embrasse, suis-je capable de faire corps, d’habiter pleinement mes lèvres qui se joignent aux siennes ? Existe-t-il une recette magique qui me donnerait accès à cette qualité de Présence, à cet ancrage, à cette joie silencieuse qui jaillit parfois de mes profondeurs ?

Je le confesse, il y a encore bien des parties de moi qui espèrent secrètement mettre la main sur cette recette magique, celle qui me permettrait d’être aligné en tout temps, sans douleur et sans effort. Et je les entends me murmurer : « qu’il sera doux le temps où j’arriverai enfin à bon port, là où tout sera accompli, là où ma vie sera enfin parfaite comme dans mes rêves les plus fous ! »

Passé la crise de couple originelle, celle où tout fut remis en question, je me suis élancé confiant vers une solution rapide. Armé de mon coffre à outils j’étais prêt à la réparer pour que je puisse enfin me sentir mieux et reprendre ma course effrénée vers le bonheur ! De fil en aiguille, j’ai perdu bien des certitudes pour me retrouver, après bien des années, au milieu d’un sentier sans commencement ni fin, où chaque saison apporte son lot de rires et de pleurs.

Si simple… Si ne suis pas en paix, en connexion avec mon centre le plus profond (l’œil du cyclone), c’est que je suis emporté par le tourbillon de mes d’émotions (toutes plus ou moins refoulées), ou encore éparpillé dans toutes les directions par les mille et une voix-qui-parlent-dans-ma-tête.

…et pourtant si difficile d’inlassablement faire ce pas de recul, revenir vers mon centre, vers mon cœur, le seul endroit où je peux vraiment m’accueillir, me pardonner et enfin me réconcilier avec toutes mes contradictions, avec toutes ces parts de moi que j’ai appris à renier, à cacher dans l’ombre, dans la honte.

Sans commencement ni fin. Je peux enfin me détendre, lâcher prise, et respirer profondément, partager un baiser à la fois, sans me dépêcher, sans arrière-pensée. Y-a-t’il vraiment une destination à atteindre ? Pourquoi ne pas rester ici, allongé près d’elle, totalement engagé dans cet instant qui ne reviendra plus ?

À l’heure de tous les possibles, de la gratification instantanée, suis-je encore capable de la choisir elle (au milieu de toutes les possibilités réelles ou fantasmées), pour le meilleur – tous ces moments de joie – et encore pour le meilleur (celui qui à faim) – tous ces moments de contrariétés où elle me montre du cœur ces endroits douloureux où j’ai appris à ne pas m’aimer ?

~Jean-Philippe Ruette