Au-delà des écrans

Présences Magazine – Se désengager de la pornographie (5)

Le mois dernier j’ai parlé de « sexualité connectée ». J’entends par là une sexualité dont l’intention n’est plus de jouir et faire jouir à tout prix, mais plutôt d’entrer en connexion avec l’autre pour partager de l’amour. Transformer sa sexualité est une grande et belle aventure à vivre à deux. Toutefois, c’est loin d’être un long fleuve tranquille. Il y a beaucoup de prises de conscience à faire et certaines sont assez douloureuses à vivre si je me fie à ma propre expérience. Le plus grand défi dans cette transition est à mon avis, de sortir le mental de l’équation. Pour ce faire, il y a un ingrédient essentiel : la présence. Plus vous êtes conscient, présent à ce qui se passe maintenant en vous et plus vous êtes amenés à faire des choix en accords avec vos besoins naturels – la vérité du corps – plutôt que des choix en accord avec les croyances véhiculées par la « voix-qui-parle-dans-votre-tête ».

Je vous donne un exemple très concret. Dans la religion catholique (entre autres), il existe la notion de devoir conjugal selon laquelle la femme doit se donner sexuellement à l’homme. C’est dans le contrat et c’est ce que me disait la voix à chaque fois qu’elle se refusait à moi. En augmentant progressivement mon niveau de présence, un jour est venu où j’ai pu voir – ressentir dans mon corps – que ces mots dans ma tête (la voix de mes croyances) me rendaient malheureux. À partir de cet instant, j’ai pu faire un nouveau choix en rejetant cette fausse croyance pour m’aligner sur une vérité plus grande en accord avec les vagues silencieuses de mon intuition : l’amour est libre de toutes contraintes.

Ce que j’ai voulu mettre en lumière avec cet exemple c’est l’emprise que peut avoir notre mental sur nos vies et tout particulièrement sur notre sexualité. En cheminant avec elle, j’ai souvent constaté à quel point mes croyances sur la question étaient faussées dès le départ. Il n’est donc pas surprenant de voir la misère sexuelle dans laquelle vivent encore la majorité des humains. J’ai déjà parlé de la religion dans mon exemple, je vais maintenant aborder une autre cause de distorsion de croyances particulièrement efficace et sournoise : la pornographie.

Ayant été consommateur pendant de nombreuses années je sais de quoi je parle. Au début j’ai été poussé par la curiosité et le désir de voir des corps de femmes nues. En l’absence d’une vie sexuelle satisfaisante (nourrissante), c’était pour moi une façon de satisfaire mon besoin fondamental de sexualité. Jumelée à la masturbation compulsive (causée par l’excitation), la pornographie a pris au fil du temps une place importante dans ma vie et cela même si j’étais en couple. C’était comme une sorte de drogue facilement accessible et qui me procurait des « shoots » particulièrement efficaces pour me faire oublier que j’avais une vie sexuelle bien peu satisfaisante. Comme dans n’importe quelle addiction, c’était devenu un moyen de fuir dans lequel je perdais des heures et surtout une précieuse énergie que je n’utilisais pas pour réaliser mes rêves. Peu à peu, ma vision de la sexualité se teintait de ce que je voyais dans la pornographie et me conditionnait à vouloir reproduire ce que je voyais sur tous ces écrans, et qui n’avait rien à voir avec l’amour…

Au fil des années, ma sexualité devenait de plus en plus fantasmée et dénuée d’ancrage dans la réalité. Tellement, qu’un jour, j’ai dû me rendre à l’évidence, mon mental avait pris la place de mon cœur pour alimenter ma puissance. Je n’étais donc plus en mesure de faire l’amour avec amour ! Je ne pouvais que tenter encore et encore de réaliser les fantasmes dictés par mon mental contaminé par la pornographie. Je comprends que ma compagne se soit sentie de plus en plus seule dans nos relations sexuelles. Cette prise de conscience douloureuse a été le commencement d’un long processus de guérison pour me sortir de cette dépendance pernicieuse.

À ce moment précis je comprenais que j’étais pris au piège dans une toile d’araignée et que mon énergie sexuelle était utilisée pour alimenter une réalité qui n’était pas à mon service. Je comprenais que ma force vitale était littéralement détournée et que j’étais moi-même une sorte d’esclave consentant travaillant à soutenir des gens, des courants de pensées, qui encourageait une forme de prédation -l’exploitation sexuelle de l’humain par l’humain – comme moyen de vivre. Au final je comprenais que je n’étais pas au sommet de la chaîne alimentaire et qu’en me connectant à ces courants d’énergie (égrégores) de prédation, j’invitais ces mêmes égrégores à entrer dans ma vie pour en prendre les commandes.

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~Jean-Philippe Ruette