J’ai passé beaucoup d’années à nourrir mes fantasmes. À ce moment-là de mon histoire c’était cohérent. Ma vision de la sexualité était simple : pour qu’elle soit vivante il fallait un flot incessant de nouveautés de façon à repousser toujours plus loin les limites du monde connu. Aussi, toutes ces heures passées à faire tourner ma machine à images avaient un sens.
En m’observant attentivement j’ai fini par toucher du cœur cette insatisfaction chronique, ce manque omniprésent qui m’habitait. En vérité, je passais beaucoup plus de temps à penser qu’à vivre mes fantasmes ! Et même quand j’y arrivais, ce n’était jamais aussi bien que je l’avais espéré. C’était toujours plus satisfaisant en rêve qu’en réalité.
Visiblement je passais à côté de quelque chose.
Son positionnement de femme – son refus du statu quo – a certainement été un événement déclencheur dans notre histoire. D’un seul coup je prenais conscience des différences marquées qui séparaient nos deux visions de la sexualité. En l’écoutant attentivement je comprenais qu’elle rêvait surtout d’être pénétrée avec amour en non dans telle ou telle position…
La rejoindre sur ce terrain m’a demandé de faire un travail intérieur soutenu pour sortir de ma tête et commencer à ressentir cet amour qui circulait entre nous. Très lentement, j’ai appris à me détendre en respirant consciemment pour m’ouvrir toujours plus profondément à ce flow délicieux qui nous reliait dans l’invisible.
Un jour j’ai même réalisé que mon sentiment de manque perdait du terrain. Ce travail d’ouverture m’avait remis en contact avec cette plénitude vécue lorsque j’étais relié à l’autre, à moi-même, dans cet espace où les frontières n’étaient plus, où les mots et les images s’effaçaient devant la majesté de ce que nous étions réellement…
Au final ma sexualité change quand mon intention change. Je peux mettre en scène des films qui n’existent que dans ma tête ou m’ouvrir totalement à cette rencontre avec l’autre qui inévitablement me ramènera vers cet endroit béni où, à perte de vue, il n’y a plus que nous.
~Jean-Philippe Ruette