Le Cœur a ses raisons…

Ça m’est tombé dessus, comme ça, sans crier gare. Enfin presque. J’avais posé la question, je ne m’attendais simplement pas à ce que le délai de réponse soit si court! À en croire que l’Univers attendait, avec sa réponse déjà toute prête, le doigt sur la touche ‘envoyer’, que je me décide simplement à demander, à poser LA BONNE question.

J’étais assise sur la galerie, à lire le livre Votre Corps a une mémoire. J’étais totalement captivée par ma lecture. Vous savez, quand on lit un livre et qu’on cette impression qu’il a été écrit pour vous. Quand vous le lisez avec votre tête, votre cœur, vos tripes, et bien c’était ça. Je venais de terminer le chapitre dans lequel l’auteure expliquait que la blessure originelle, celle à la source de plusieurs blessures qui ont refait surface sous diverses formes tout au long de notre vie, avait très souvent pris racine lorsque nous étions au stade de fœtus, bien au chaud dans le ventre de notre mère. Et que c’est cette même blessure qui doit être guérie afin de pouvoir se libérer du poids de toutes les autres. C’est à ce moment-là, qu’innocemment, (bon, peut-être pas tant!) j’ai demandé : « Qu’est-ce qui aurait bien pu se passer, pendant que ma mère était enceinte de moi et qui aurait pu être la source d’une difficulté que j’ai eu dans ma vie ? »

Je n’ai pas eu le temps de terminer la page suivante que la réponse à cette question était là, devant moi. Je ne sais pas comment je me suis retrouvée là, mais j’y étais et j’ai senti, plutôt qu’entendue, ma grand-mère qui disait que j’étais une enfant du péché parce que mes parents ne s’étaient pas mariés religieusement. Et ça, c’était mal, c’était honteux. Et là, les larmes ont montées, des flots de larmes, de souvenirs et de réponses. Des réponses à pourquoi je faisais tant de crises sans raison apparente quand j’étais petite : je hurlais un incompréhensible besoin de me faire reconnaître, de me sentir acceptée, de faire moi aussi partie de la famille, du clan. Tout au long de ma jeunesse, cette impression de ne jamais faire vraiment partie de la bande, l’impression qu’on chuchotera dans mon dos dès que j’aurai le dos tourné. Toute cette énergie dépensée à ne pas trop m’attacher à quiconque, à m’impliquer, à ne pas me dévoiler de peur d’être rejetée dès qu’on saura qui je suis réellement.

Et je me suis retrouvée là, avec lui, Jean-Philippe, le soir de notre dernière querelle.

J’ai passé des mois à essayer de comprendre ce qui c’était enfin passé ce soir-là. Pourquoi tout à coup, ça y était, que nous nous étions enfin retrouvés. Que le fossé entre nous avait miraculeusement disparu.

Ce soir-là, sur le bord du gouffre, un pied dans le vide, il m’a dit : « Ça et ça (en parlant de mes bras serrés contre moi pour me protéger, m’empêcher de m’ouvrir totalement) je n’en veux plus ! ». En revivant la scène, j’ai vu, j’ai compris, j’ai…senti, à quel point il était sincère. Que cette fois-ci, contrairement à toutes les autres fois, m’ouvrir ne se retournerait pas contre moi. Qu’il avait vraiment envie que je me laisse à être celle j’étais et qu’il était enfin prêt à m’aimer et à m’accepter telle que j’étais. À cet instant-là, mon cœur s’est ouvert, et il s’en est échappé un torrent de non-dits, de frustrations, de colère, de déceptions. Tout y est passé ce soir-là, cette nuit-là et dans les jours qui ont suivis. Tout a été entendu. Sans jugement. Sans reproche. Tout a été accueilli.

On ne peut pas forcer un cœur à s’ouvrir. Le mien ne voulait pas. J’ai essayé. Vraiment. En vain. Non pas qu’il n’avait rien à dire, loin de là, mais il y avait au fond de moi une telle peur, une peur viscérale de je-ne-savais-pas-quoi qui m’empêchait de le faire! Et si je n’avais pas su le faire plus tôt, c’était aussi parce que j’avais omis un détail, capital à mes yeux, celui de travailler sur la cause et non sur la conséquence. Je m’efforçais, coûte que coûte à m’ouvrir, en ignorant mon ressenti qui me disait ‘noooonnn!’, alors qu’il aurait été, je crois, plus sage d’investir mon énergie à mettre le doigt sur ce qui provoquait cette fermeture. À simplement demander à mon cœur « pourquoi refuses-tu de t’ouvrir? » plutôt que de lui ordonner de s’exécuter.

Selon moi, le cœur a non seulement ses blessures, mais également sa propre intelligence ce qui fait qu’il sait à qui et quand s’ouvrir. En ce qui me concerne, mon cœur refusait de s’ouvrir en réaction à une fausse croyance (qui ne m’appartenait même pas de surcroît!) et qui était ancrée en moi depuis toujours. Ce soir-là, parce qu’il s’est senti en totale confiance, il a enfin pu, sans que je comprenne pourquoi, oser enfin s’ouvrir car il a su qu’il était bon pour lui de le faire. Beaucoup plus tard, j’ai pu comprendre pourquoi il en avait été ainsi. Et depuis, je travaille tous les jours à me guérir, à me libérer.

~Julie Tremblay