… alors que j’allais et venais en elle d’un pas décidé, je l’entendis me dire d’un air mesuré : « hey où veux-tu aller? ». Pris au dépourvu, je lui répondis sans y penser « au plus profond de toi! ». Immobile elle ajouta : « je ne sens pas ton cœur. Sans lui c’est impossible ».
Estomaqué, j’ai dû admettre intérieurement que j’avais bel et bien un coup d’avance sur le présent, le corps tout entier tendu vers une destination. Je me suis alors rappelé, pour la énième fois, l’importance de la recevoir tandis qu’elle-même me reçoit dans son corps. Seule cette ouverture mutuelle nous permet de sortir du temps…
Cela m’a pris longtemps pour vraiment ressentir cette fameuse « ouverture du cœur », pour la vivre dans le corps au lieu de la chercher dans mes pensées. Je la vois maintenant comme une posture intérieure, un ressenti sur lequel je fixe mon intention, comme un marin fixe l’étoile qui le ramène à la maison.
Voici deux chemins que j’utilise pour y arriver.
D’abord, j’ouvre les yeux. Puis, je me concentre sur sa beauté. Non pas cette beauté de surface qui se fane avec le temps. Non, je parle de cette beauté-qui-rayonne qui se diffuse naturellement de chaque femme et qui ne peut se « voir » qu’avec le cœur. Quand j’y arrive, je me retrouve alors touché, ému de la recevoir, de la sentir me réchauffer le cœur.
Mon autre chemin est celui de l’abandon. Lorsqu’elle me caresse, je peux être dans ma tête à espérer une séquence particulière ou je peux simplement glisser dans cet espace intérieur de gratitude où je ne contrôle rien, où je suis dans l’ouverture, profondément ému d’être aimé à ce point. Ici encore, mon cœur s’ouvre et se remplit d’elle, de cette chaleur offerte sans compter.
Depuis cette nuit-là, pour la énième fois, j’observe émerveillé qu’il est possible d’être pleinement présent en elle, tout en la laissant être pleinement présente en moi. C’est bien là, au milieu du silence, que nos consciences peuvent s’entrelacer en suivant ces marées, qui vont et viennent de toute éternité.
~Jean-Philippe Ruette