Homme où es-tu ?

S’il est une chose qu’elle m’a répété maintes et maintes fois au fil des années c’est bien celle-ci : « T’es où ? j’ai l’impression d’être toute seule là ! » Évidemment, ça me faisait réagir à chaque fois. Comment pouvait-elle me reprocher de ne pas être là, moi qui passais presque tout mon temps libre avec elle !

Plus j’essayais de la comprendre, en posant mille et une questions, en argumentant sans cesse, en me défendant d’être vraiment là, et plus je la voyais se refermer, exaspérée de ne pas être entendue. Ressentiment, colère, malaise, la voix-qui-parle-dans-ma-tête s’en donnait à cœur joie…

Les choses ont commencé à changer quand j’ai cessé de chercher à comprendre et à voir cela comme un problème à résoudre. Pas facile pour moi de sortir de ce schéma. Tout est si simple (sécurisant) quand je peux expliquer et ranger chaque chose à sa place dans une petite boîte étiquetée…

En cessant de chercher, je me suis alors retrouvé seul avec cette émotion douloureuse, avec cet inconfort grandissant dont je n’arrivais plus à me distraire. Au pied du mur, je suppose que j’ai fini par cesser de lutter pour accueillir et vivre enfin cette colère qui n’était plus enfouie.

Étonnamment je me suis alors retrouvé dans un nouvel espace où je me sentais « différent », libéré d’un poids, plus en lien avec moi-même, plus présent à tout ce qui se jouait dans mon corps et que ma tête ne pouvait expliquer. J’avais la sensation très nette qu’une porte fermée depuis très longtemps venait de se réouvrir…

Ses mots de femmes ont alors trouvé un nouveau chemin à travers cet espace dégagé. Je ne comprenais pas clairement ce qui s’était passé mais ça n’avait plus d’importance. Ni elle ni moi n’avions gagné de bataille. La bataille avait simplement disparue tandis que j’arrivais maintenant à entendre son besoin de connexion, son besoin de « nous ».

Femme, merci infiniment de ta patience. Merci de n’avoir pas renoncé à l’essentiel qui depuis toujours, nous relie dans l’invisible.

~Jean-Philippe Ruette