Dans ce monde où j’ai grandi, j’ai appris qu’il était normal et même souhaitable de m’oublier pour faire passer les besoins de l’autre avant les miens. Aussi j’ai grandi avec le souci constant de faire plaisir, d’être au service, toujours disponible pour les gens qui m’entourent. En transposant cette croyance dans ma sexualité, je me suis imaginé que je devais être un amant parfait en toutes circonstances.
Le fardeau de la performance a bien des visages. Aujourd’hui je me sens plus détaché de la course à l’orgasme, mais j’observe qu’il m’arrive souvent de me demander si je suis assez présent, si je suis dans la bonne fréquence, si mon intention est juste… Toujours cette pression qui, telle un caméléon, se transforme pour mieux se faire oublier, pour mieux se dissimuler.
Quand je m’identifie à ce quelque chose en moi qui veut performer, qui cherche inconsciemment un moyen pour se valoriser, mes caresses se retrouvent alors teintées d’un objectif à atteindre qui me sort du moment présent. Inconsciemment toujours, je tente alors de reproduire une recette qui a déjà fait ses preuves dans le passé et qui je l’espère, saura confirmer ma valeur, une fois de plus.
Quand j’arrive à prendre du recul, à sortir ce schéma de l’ombre, je reprends contact avec l’instant présent en respirant profondément pour déplacer mon focus dans mon propre corps, pour m’occuper d’abord de moi ! Je reconnais que c’est tout un défi pour ma vieille croyance ! Étonnamment, c’est vraiment en restant chez moi (en passant par l’intérieur) que je peux vivre la connexion avec elle.
Ce n’est pas si grave de m’interroger, nous le faisons tous, tant que je ne cherche pas les réponses dans mes pensées. Si je reste dans ma tête, à calculer, à mesurer, à me demander si je fais ce qu’il faut, alors je suis coupé de mes profondeurs silencieuses, de cette sagesse intemporelle qui m’habite et qui naturellement connaît si bien cette musique, cette danse toujours nouvelle, de nos corps entrelacés…
~Jean-Philippe Ruette