Faire (circuler) l’Amour

Quand on parle d’orgasme, il y a toute la gamme des possibles : brefs, intenses, longs, bouleversants, transformateurs, émotionnels, corporels, débordants, cataclysmiques… Il me semble que cette liste pourrait s’allonger à l’infini ! Chose certaine, c’est une rupture avec le flot incessant de mes pensées qui vont et viennent infatigables. C’est aussi un moment intemporel où je peux toucher du corps cette Éternité qui existe au cœur du Silence.

Il y a l’orgasme que je pourchasse sans relâche, avec acharnement, presque avec obsession et celui qui m’emporte par surprise comme une puissante vague déferlante. En un mot il fascine et c’est généralement le but visé derrière chaque relation sexuelle. Et c’est probablement pourquoi la sexualité semble si souvent prise dans un carcan où se répète machinalement les mêmes mouvements, les mêmes enchaînements, en suivant le même tempo qui va toujours crescendo vers les mêmes étoiles…

Mais que se passe-t-il si je retire cette destination de l’équation ?
Eh bien je ralentis naturellement. À quoi bon me presser si je n’ai plus d’objectif à atteindre ? Ensuite, je me sens plus léger. Je n’ai plus cette pression intense de faire jouir ma partenaire à tout prix. Je me détends et reviens dans le présent enfin libéré de cette urgence d’arriver à la fin. D’elle-même la rencontre s’allonge puisque j’ai maintenant du temps. Et paradoxalement le temps de lui-même, disparaît progressivement…

Ralentir me permet surtout de mieux ressentir cette énergie qui s’anime dans mes profondeurs silencieuses. J’ai maintenant le temps de prêter l’oreille et surtout le cœur, à ce flot d’amour qui nous relie naturellement quand nos corps s’épousent, quand nos cœurs se rencontrent dans le creuset de l’intimité. Le temps n’existant plus, je peux alors la caresser sans compter, la pénétrer sans attente, sans destination autre que de l’habiter de ma présence pleine, de ma puissance entière, pour faire circuler l’Amour, qui depuis toujours, s’offre sans condition, voyage sans destination.

~Jean-Philippe Ruette