Il est communément admis dans notre société que chacun se doit d’être autonome, indépendant, capable de subvenir à ses besoins sans l’aide de personne. C’est particulièrement criant depuis la révolution féministe. C’était sans doute une étape nécessaire pour se sortir de l’ancien modèle de couple où la femme était matériellement soumise et dépendante de l’homme.
Aujourd’hui, je constate que toute cette indépendance nous a conduit vers un modèle un peu irréel. Comme si on voulait faire de nous des humains androgynes qui n’auraient pas besoin de personne pour répondre à leurs besoins. Cela me semble aller à l’encontre de la nature. Comme si on avait oublié la danse des polarités féminines et masculines : la force créatrice de vie.
Beaucoup vont me dire que nous avons les deux polarités en nous. J’en conviens. Mais physiquement ? Ne sommes-nous pas partagés en deux genres naturellement magnétisés, deux parties qui s’attirent et souhaitent se réunir ? Cette apparente séparation n’aurait-elle pas un sens, un but ? Ce désir fort ne serait-il pas un cadeau en soi ?
Il est vrai que l’aventure du couple est un formidable défi de logistique. Chaque moment du quotidien : faire la vaisselle, s’occuper des enfants, faire le ménage, faire l’amour, est un lieu où se rencontrent deux visions distinctes, deux façons de faire, deux genres et deux lignées génétiques qui pèsent de tous leurs poids…
Vous le savez aussi, cette rencontre n’est pas toujours harmonieuse. La tentation est si forte d’imposer sa vision des choses, sa façon de faire, d’avoir raison. Le compromis n’est pas toujours si facile à trouver et manque souvent de saveur pour l’un ou pour l’autre. Ces problèmes ne se produisent pas lorsque nous sommes seuls aux commandes, indépendants et auto-suffisants. Mais est-ce réellement ce que nous voulons, vivre seul à l’abri de l’autre et de ses contradictions ?
Au cours de mon voyage avec elle, je n’ai pas eu le choix de lâcher prise sur une foule de certitudes, de rigidités auxquelles j’étais attaché. Pour y arriver j’ai dû faire confiance et vivre avec la peur de l’inconnu qui pouvait résulter de cet abandon à l’autre. Pourtant, et ce fut une grande libération de le découvrir, au final seule la peur meurt.
En m’abandonnant à elle, en lui offrant ma confiance, j’ai pris des risques bien sûr. Beaucoup de choses ne se sont pas passées comme prévues. J’ai été surpris, déstabilisé, confrontés à bien des émotions refoulées, inexprimées. J’ai dû évoluer. Que de remous, que de vagues pour apprendre l’humilité…
Ce chemin vers moi-même m’a offert en retour un magnifique cadeau, celui de vivre la délicieuse complémentarité qui relie les amants. Ce que j’ai à offrir est précisément ce dont elle a besoin. Ce qu’elle m’offre comble mes espérances les plus folles. Cela prend du temps bien sûr, c’est un chemin qui vous dénudera progressivement… Mais après tout, n’est-ce pas ce que nous espérons tous dans le secret de nos cœurs ?
~Jean-Philippe Ruette