Ces mots qui ouvrent son corps de femme

De temps en temps, il m’arrive encore de nous perdre de vue, d’être happé par les choses-à-faire, la routine et le temps qui passe. Inévitablement notre connexion perd de sa fluidité toute encombrée par ces petits « riens », ces non-dits qui s’ajoutent dans l’ombre à la liste grandissante de mes insatisfactions. Petit à petit, des sujets disparaissent de notre place publique et des pans entiers du « nous » se figent dans l’attente d’une discussion, d’un regard, d’une main tendue qui ne vient pas… Au bout d’un moment, c’est la joie elle-même qui se retrouve enfermée derrière les portes closes de nos cœurs affamés.

Évidemment la sexualité devient alors très compliquée. Quand le cœur n’y est plus c’est la tête qui prend le relai avec son cortège de demandes, de calculs et d’incompréhension. Et de plus belle je replonge dans les couloirs du temps : que vais-je bien pouvoir lui proposer, lui demander ? Va-t-elle me dire oui, sera-t-elle disposée ? Est-ce que j’ai bien fait hier soir ? Dès lors, chassé du paradis (de l’éternel Présent) je me retrouve alors perdu, errant dans le labyrinthe de mes pensées, là où je manque de tout.

C’est ce qui m’est arrivé récemment. Ma coupe était pleine de ressentiment, de tous ces mots que j’avais gardé par devers moi et qui me faisaient voir la vie en gris. Ça m’a pris toute une soirée pour revenir d’exil, pour déposer les charges, les jugements et l’impatience que j’avais accumulée. (Merci pour l’accueil et l’ancrage!) Depuis je me sens soulagé d’un poids immense et j’ai retrouvé toute cette énergie que j’avais bloquée et qui, tel un rempart, me séparait de la vie, de l’amour.

Et puis et puis, comme par magie, entre nous est revenue la sécurité et j’ai senti son corps se détendre, se réouvrir de lui-même, sans forcer. Et j’ai réalisé alors, une fois de plus, que s’il est vrai que les mots d’amour peuvent avoir leur importance, c’est surtout la vérité, quelle qu’elle soit, qui nous relie le plus, qui me ramène en pleine lumière, là où j’aime sans compter, là où je me tiens devant elle le cœur tendre et les mains nues.

~Jean-Philippe Ruette